« Quand j’arrive à faire briller les yeux de mes clients avec une belle histoire, je sais que j’ai vendu ma bouteille » : un caviste en spiritueux nous a récemment fait cette confidence. Quelques jours auparavant, Claude Fronton, ex-ambassadeur de la marque Glenfiddich en France, nous disait peu ou prou la même chose : « j’aime capter le regard de mes interlocuteurs, j’aime les faire rêver et partir en voyage. Après seulement on peut parler prix des bouteilles ! »… Lors d’un échange à bâton rompus, Claude, volubile et passionné comme d’habitude, nous a offert une magistrale leçon de de vente de spiritueux… et d’humanisme ! Nous avions envie d’en partager quelques morceaux choisis avec vous.
Claude, vous avez été ambassadeur de l’une des plus prestigieuses marques de whisky au monde. Vous avez contribué à son essor en France. Quelles sont vos techniques de vente ?
Je n’en ai pas ! Je dis souvent, en rencontrant les sommeliers ou chefs de cave : « Je ne te vends rien, tu ne m’achètes rien. » Ce que je cherche, ce n’est pas à vendre des bouteilles, c’est à emporter mes interlocuteurs en voyage. Je les embarque dans une bulle magique, direction le nord de l’Ecosse, direction les brumes de Duffton. Je les prends par la main, pour leur faire visiter les distilleries du XIXème, pour leur faire toucher les fûts et tonneaux. Ils oublient le temps… et leur téléphone portable !
« J’embarque mes clients dans une bulle, direction le nord de l’Ecosse »
Et les hommes qui se cachent derrière le whisky – les producteurs, les maitres de chai -, vous en parlez beaucoup ?
Parfois, je me dis que le sang de la famille William Grant coule dans mes veines (NB. Claude a été Brand Ambassadeur des marques Glenfiddich et Balvenie appartenant au groupe familial William Grant). La « famille » m’a apporté plus en vingt ans que je ne pourrais jamais lui apporter. Je reconnais les valeurs qu’elle transmet de générations en générations : celles de l’excellence, de la passion quasi obsessionnelle du détail, de l’exigence et de la reconnaissance du travail bien fait. Ces hommes ont parfois des parcours incroyables – je pense notamment à David Stewart, qui est resté plus de 50 ans dans la même maison. Il a commencé à dix-sept ans comme commis pour devenir le maitre de chai mythique que l’on connait aujourd’hui ! Alors oui, bien sûr, je parle des hommes qui font le whisky ! Comme n’importe quel vendeur de spiritueux devrait le faire…
« J’aime le whisky parce que j’aime ceux qui font le whisky. »
Vous auriez pu vendre autre chose que des spiritueux ?
Sans doute… mais ce n’est pas si sûr ! Avec les spiritueux, on vend plus qu’un produit, on vend plus que le plaisir du goût. En ouvrant sa bouteille, je souhaite que mon client ressente une émotion, qu’une petite corde sensible soit activée chez lui. La bouteille devient une lampe d’Aladin d’où sortent des images, des paysages, une histoire. Créer cela, c’est ce qui m’intéresse dans la vente. C’est aussi ce qui fidélise le client. Pas sûr que ce soit possible en vendant des boulons !